mercredi 13 avril 2011

Un vieux couple qui dure: Eros et Thanatos

La mort est le personnage central de cet impressionnant tableau du peintre suisse Ferdinand Hodler, aperçu sur grand écran à l'auditorium du Musée d'Orsay. L'artiste y peint son autoportrait, en compagnie de sa femme et de sa maîtresse dans une forme d'exorcisme pictural. L'atmosphère cauchemardesque du tableau est renforcée par les contrastes de blanc et de noir. On y retrouve la dimension sacrée de l'érotisme et de la sexualité touchant à la Mort.




Ferdinand HODLER, La Nuit ( 1889-1890)
 

Dans La Nuit le peintre se représente arraché de son sommeil par le fantôme de la mort. Autour de lui, des dormeurs et dormeuses enlacés, où se glissent des autoportraits et les portraits des deux femmes entre lesquelles Hodler partage alors sa vie : Augustine Dupin, compagne des débuts et mère de son fils, Bertha Stucki, l'épouse, le temps d'un mariage bref et houleux.

Comme Courbet dans L'Atelier, Hodler fait le bilan d'une période de sa vie dans un tableau autobiographique aux dimensions de la peinture d'histoire.
Pour Hodler, la portée de l'oeuvre est universelle car elle est symbolique : non pas représentation d'un moment particulier mais évocation de l'essence même de ce que sont la nuit et la mort. L'artiste y porte à un point jusqu'alors inégalé la combinaison d'un réalisme poussé et d'un ordre décoratif strict, qui devint la marque de fabrique du symbolisme hodlérien.
Comme chez Puvis de Chavannes, tant admiré de Hodler et qui sera l'un des grands défenseurs de La Nuit, les couples prennent place dans un décors sans profondeur où priment l'agencement rythmique des figures et des lignes.
L'ordonnancement des figures selon un principe de symétrie, la recherche de la frontalité sont aussi une des plus éclatantes manifestations d'un principe, le parallélisme (défini comme la répétition de formes semblables par Hodler), dont le peintre fera toute sa vie la clé de sont art. Le parallélisme y est plus qu'un principe de composition formelle, c'est une pensée morale et philosophique, reposant sur le constat que la nature a un ordre, fondé sur la répétition, et que les hommes sont au fond semblables les uns aux autres.

Le réalisme des nus et les attitudes de ces couples enlacés de La Nuit suscitent un scandale à Genève en février 1891. Le tableau est exclu de l'exposition genevoise des Beaux-Arts.
Hodler organise une exposition privée payante, dont les recettes lui permettent enfin de réaliser une ambition maintes fois repoussée : obtenir la consécration de Paris. Admis au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, La Nuit est distinguée par Puvis, mais aussi Rodin et une partie de la critique.
Hodler en retire un sentiment de triomphe, même si ce premier succès parisien ne mènera pas à la gloire espérée. L'artiste expose en effet tous les ans à Paris jusqu'en 1897 (1896 excepté), mais il devra attendre 1900 et l'Exposition universelle pour y obtenir une médaille d'or avec à nouveau La Nuit parmi d'autres tableaux symbolistes.

Analyse extraite du site du Musée d'Orsay

1 commentaire:

  1. Ah! L'art du tournant du siècle! On oublie souvent que des gens comme Rodin, que tu mentionnes dans ton article, sont issus de la fin du XIXe, tellement leur réalisme semble ancré dans les années 1870 et est si opposé au courant moderniste américain des années 1950, qui semble symbolisé l'esprit du XXe siècle. Très bel article, et très belle pièce!

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