Etrangement, l'oeuvre de Redon est restée relativement peu connue des français, en dehors des lecteurs d'A Rebours et des admirateurs de Moreau. L'exposition présentée au Grand Palais, première retrospective à Paris depuis 1956 a donc un parfum de découverte.
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Un masque sonne le glas funèbre, 1882 |
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Pégase Captif, 1889 |
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L'oeil comme un ballon bizarre se dirige vers l'infini, 1882 |
Suivant un ordre chronologique, l'exposition débute donc naturellement sur les "Noirs" comme se plaisait à appeler Redon lui-même ses lithographies avec lesquels il se fait connaître dans le monde des arts et de la littérature. Ce dernier, il le cotoiera souvent: s'il ne prend pas lui-même la plume, Redon rend hommage à ses maîtres de papier: Flaubert, Poe... Les sujets qu'il choisit sont à l'image de son oeuvre, étranges et poétiques. A l'heure où l'impressionisme donne le ton à la critique ( il n'en est d'ailleurs pas autrement aujourd'hui entre Monet , Caillebotte, Vuillard et les "impressionistes à l'hôtel de Ville"), l'oeuvre de Redon se veut à la lisière du mouvement. Il moque en effet ces artistes peignant sur nature, préférant l'intimité de son appartement. L'art est causa mentale. S'il lui arrive parfois de prendre modèle sur le réel, tels ses splendides bouquets de fleurs, c'est pour s'imprégner de son image pour mieux la restituer ensuite de mémoire, passée sous le crible du rêve. Odilon Redon est donc définitivement un peintre cérébral et c'est d'ailleurs une partie pour cela qu'il fut longtemps boudé par les musées, le jugeant trop "difficile" pour le grand public. Les théories de Freud trouvent ainsi un écho direct dans son oeuvre. Ces yeux, ces grands yeux barrés de cils omniprésents dans la première partie de sa carrière, avec les têtes pensives, s'ouvrent sur un autre monde, celui de l'intériorité.
Il est alors paradoxal que l'oeuvre ayant fait basculer Odilon Redon dans la couleur soit justement intitulée, les Yeux clos.
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Profil noir (Gauguin), 1903-1904 |
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Yeux Clos |
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La Cellule d'Or |
En effet, pour le plus grand bonheur des conservateurs de musée, la carrière de Redon prend une inflexion radicale en 1890: des "Noirs", la palette EXPLOSE en couleur avec l'usage du pastel, médium parfait entre le fusain et la peinture à l'huile. L'exposition du Grand Palais ne s'y trompe pas. Après de longues séries de lithographies, la salle débouche soudain sur ces splendides tableaux rehaussés d'or, un peu à la manière d'un Klimt dans sa période dorée. A la vue, le pastel semble ressortir les motifs en 3 Dimensions. Le regard s'abandonne dans ces tons incroyables, ultramarin intense, vert céladon, rouge volcanique... après avoir été habitué au noir et blanc. Le feu d'artifice se poursuit en bas avec les bouquets de composition audacieuse et les grandes décorations, entièrement reconstituées pour l'exposition. De ce passage à la couleur, Redon est resté opaque. Toujours est-il qu'il ne put s'en passer. Avec Degas, il passe pour avoir révolutionné l'art du pastel, jusqu'ici considéré comme mineur.
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Fleurs, 1895 |
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Fleurs, 1903 |
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Bouddha |
Le site internet est
ici. Très bien réalisé, il permet d'étudier les oeuvres en détail.
Je dois t'avouer que je ne connaissais pas du tout l'artiste avant de lire ton article (très bien écrit aussi d'ailleurs, du même calibre que les oeuvres elles-mêmes!). Les oeuvres étaient sublimes, malheureusement... je ne suis pas à Paris pour aller en constater la splendeur par moi-même!
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